Here is an extract of Nietzsche's Zarathoustra. If anybody can transmit it to me in English, I'd be glad to publish it as well !story of a tightrope walker...
[…] Mais il advint alors une chose qui rendit toutes les bouches muettes et fixes tous les regards. Dans l’entre-temps, le saltimbanque avait commencé son ouvrage ; il était sorti d’une petite porte et marchait sur la corde tendue entre deux tours au-dessus de la foule ; mais il avait fait juste la moitié du chemin, la petite porte s’ouvrit de nouveau et un gars bariolé qui avait l’air d’un paillasse en sorti d’un bond et courut à grand pas vers le premier. « Avance donc, boiteux, criait-il de son horrible voix, avance, traînard, sournois, face de carême ! Et prends garde que je ne te chatouille de mon talon ! Que fais-tu là entre ces deux tours ? C’est dans la tour qu’est ta place, on devrait t’enfermer, tu barres la route à un meilleur que toi. » Et à chaque mot il approchait davantage ; mais comme il n’était plus qu’à un pas derrière le premier, il arriva cette chose épouvantable qui rendit toutes les bouches muettes et fixes tous les regards : le nouveau venu poussa un cri diabolique et sauta par-dessus celui qui lui barrait la route. Or, celui-ci, voyant la victoire son rival, perdit la tête et lâcha la corde ; il jeta aussitôt son balancier et tomba plus vite encore dans le vide en un tourbillon de bras et de jambes. La place et la foule ressemblaient à la mer quand la tempête s’élève ; tous s’enfuirent en tous sens, pêle-mêle, surtout à l’endroit où le corps allait s’abattre.
Mais Zarathoustra ne bougea pas, et le corps tomba tout près de lui, meurtri et brisé, mais vivant encore. Au bout d’un instant le blessé reprit conscience et vit Zarathoustra s’agenouiller à ses côtés : « Que fais-tu là ? dit-il enfin, je le savais depuis longtemps que le Diable me ferait un croc-en-jambe. A présent il va m’entraîner en enfer ; vas-tu l’en empêcher ? »
-« Sur mon honneur, ami, répondit Zarathoustra, tout ce dont tu parles n’existe pas ; il n’y a ni Diable ni enfer. Ton âme va mourir plus vite encore que ton corps ; n’aie donc plus de crainte. »
L’homme leva un regard méfiant. « Si tu dis vrai, dit-il, je ne perdrai rien en perdant la vie. Je ne suis guère plus qu’un animal qu’on a dressé à danser, à force de coups et de maigre pitance. »
- Non pas, dit Zarathoustra. Tu as fait du danger ton métier, il n’y a rien là de méprisable. A présent tu vas mourir de ton métier, aussi vais-je t’enterrer de mes mains. »
A ces paroles, le mourant ne répondit plus ; mais il agita la main comme s’il cherchait la main de Zarathoustra pour le remercier.
Friedrich Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprach Zarathustra). 1885. Flammarion 1996 p55
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